Introduction : Une courte histoire du TDAH
Les êtres humains sont incroyablement variés : couleur de cheveux, tonalité de voix, taille…
Mais saviez-vous que ces variations s’appliquent aussi sur les capacités d’attention ?
En anthropologie, c’est l’hypothèse des “chasseurs” vs “fermiers” :
- Les chasseurs ont besoin de nouveauté, de variété, de mouvement et de danger
- Les fermiers ont besoin de stabilité, de routine et de prévisibilité
Mais la première description d’un trouble de l’attention date de 1775.
Aujourd’hui, un peu de culture : petit florilège (non-exhaustif) de l’histoire du TDAH chez l’adulte.
C'est parti 👇
1775 : Melchior Adam Weikard
Dans son traité Le médecin philosophe, ce médecin allemand fait cette description de ce qu’on appelle aujourd’hui le TDAH :
"Les personnes inattentives ont un sens de l’observation très superficiel. Leurs jugements sont erronés et ils se méprennent sur la valeur des choses, car pour approfondir une question, ils ne savent pas donner suffisamment de temps, de patience ou de précision.
Ces personnes entendent et mémorisent tout à moitié, et souvent de façon désordonnée.
Ils connaissent un peu de chaque chose mais rien de l’ensemble. Ils sont souvent imprudents, ils élaborent de grands projets mais ils sont très inconstants pour les réaliser. Ils considèrent tout avec légèreté, car ils donnent peu d’importance aux critiques ou aux désagréments."
Certains conseils sont plutôt pertinents, encore aujourd’hui :
"Les personnes inattentives doivent être séparées du bruit ou d’autres objets, maintenues au secret et dans l’obscurité."
Perso, en écrivant ces lignes, j’ai mon casque anti-bruit, et mon téléphone dans un tiroir. Bon ok, je ne travaille pas encore dans le noir. Je teste et je vous dis.
1798 : Sir Alexander Crichton
Médecin personnel du tsar Alexandre Ier, Crichton observe lui aussi une “maladie de l’attention”, qu’il décrit ainsi :
"Une incapacité de se fixer avec un degré nécessaire de constance sur un quelconque objet. […] Cette maladie est soumise au moindre bruit, à la moindre impression sensorielle, au claquement d’une porte, à un excès ou un défaut de lumière, aux aboiements des chiens, à un organe mal réglé ou à la réprimande des femmes. […] L’attention des personnes atteintes peut être immédiatement distraite par tout et par tout le monde."
Il observe déjà que les symptômes d’agitation peuvent parfois s’améliorer d’eux-mêmes avec l’âge :
"La bougeotte, le nom particulier pour l’état de leurs nerfs [peut] par chance, diminuer avec l’âge."
Il observe aussi les problèmes que ce trouble pose pour les enfants à l’école :
"Elle rend incapable de bénéficier pleinement de l’éducation. […] Chaque enseignant sait que l’austérité des grammaires latines et grecques est telle que ni les terreurs de la baguette ni les promesses de récompense ne peuvent suffire à maintenir l’attention chez ces enfants."
En effet, ça fait remonter des souvenirs…
1915 : Emil Kraepelin
On fait un bond d’un siècle en avant et on retrouve le Dr. Kraepelin, fondateur de la psychiatrie moderne. Voici comment il décrit les enfants inattentifs :
"À l’école, ils ne sont pas à la hauteur des attentes que l’on a d’eux, en raison de leur précipitation et de leur manque de fiabilité. Ce sont des enfants dont on suppose qu’ils pourraient faire beaucoup mieux s’ils le voulaient, mais malheureusement, ils ne le peuvent pas. À l’école, ils sont considérés comme distraits, volages, légers, mais inoffensifs, ils se font embarquer dans des farces stupides, mais s’ils sont fermement dirigés, ils peuvent être sages et assidus. […] Dès l’école, ils ratent les cours, vont se promener, flâner."
Puis à l’âge adulte :
"Ils quittent leur travail sans raison, passent des nuits entières dehors, disparaissent. […] Un de mes patients voulait être prêtre, puis homme d’affaires, puis comédien ; un autre, tuteur, professeur, éditeur et enfin comédien."
Il décrit leur côté “léger” :
"Certains patients brillent par leur rapidité d’esprit, mais comme ils sont très peu persévérants, ils font peu d’efforts ; ils sont distraits, facilement fatigués, et généralement, ils ne terminent rien."
Enfin, leurs changements d’humeur :
"L’humeur des patients est très changeante. Après l’euphorie apparaissent l’ennui, l’anxiété et l’esprit de contradiction. Régulièrement, une irritabilité “douce” peut se transformer en de fortes colères. Les patients sont sensibles, plaintifs, se sentent blessés et brimés, deviennent méfiants et influençables. La faible estime de soi et l’irritabilité les rendent querelleurs, difficiles à vivre et capricieux. […] Ils manquent de ténacité, de méthode."
Je comprends leurs difficultés : à l'époque, la méthode Hyperfocus n'existait pas encore...
1940 : Jadwiga Abramson
Cette psychologue née en Pologne a publié en 1940 L’Enfant et l’Adolescent instables. Mais plusieurs pages sont également consacrées aux adultes :
"Quelques caractères tout à fait généraux se dessinent en premier lieu : c’est un besoin de changement ainsi qu’une tendance à se divertir et à divertir les autres, plus ou moins accentués mais proportionnels au degré d’instabilité de l’individu.
Le besoin de changement n’est pas un besoin d’évoluer, il n’est pas un moyen tendant vers un progrès, mais plutôt un moyen de divertissement qui a son but en lui-même et qui peut être comparé à l’activité d’exercice et de jeu d’âge préscolaire. Les éléments de cette activité sont séparés, dispersés et sans lien.
Cette dispersion, cette dissipation, manifestation presque constante chez l’instable, est une conséquence de son besoin de divertissement et d’évasion. Elle constitue chez lui un déficit."
Entre 1940 et 1990, on a peu de contenus sur le sujet, hormis quelques papiers par-ci par-là.
Le regain d’intérêt viendra du travail des anglo-saxons. On peut citer Driven to Distraction (Hallowell & Ratey, 1992) comme le premier ouvrage majeur de vulgarisation sur le TDAH Adulte.
Conclusion
On le voit avec ces exemples, les troubles de l’attention sont observés depuis plusieurs siècles.
Par chance, il existe aujourd’hui des traitements efficaces, qu’ils soient médicamenteux ou psychothérapeutiques.
Les troubles de l’attention sont loin d’être une fatalité.
Accepter ses limites, c’est le premier pas pour les dépasser.
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