Aujourd'hui, on va parler d'un sujet qui nous a tous touchés à un moment ou un autre de notre vie : le syndrome de l'imposteur.
Qu'est-ce que c'est exactement ? Qu'en disent les études scientifiques à son sujet ? Quelles sont les pistes pour le surmonter ?
C'est ce qu'on va aborder ensemble dans cette nouvelle édition.
Sans plus attendre, c'est parti 👇
1) Le syndrome de l'imposteur dans nos vies
Le syndrome de l'imposteur c'est l'ensemble des pensées et des doutes qu'un individu talentueux et travailleur a vis-à-vis de son intellect, de ses compétences et de ses accomplissements.
Le syndrome de l'imposteur peut tous nous toucher : homme comme femme, entrepreneur comme salarié...
Et il touche même ceux dont la réussite est la plus évidente et exemplaire.
Prenons l'exemple de l'humoriste Blanche Gardin.
En 2018 et 2019, elle obtient deux années de suite le prix Molière du théâtre.
Les salles de spectacle où elle apparaît sont systématiquement pleines.
Bref, à cette époque, sa carrière explose.
Pourtant, à cette même période, lors d'une interview musicale donnée au groupe de musique électronique Bon Entendeur, elle confesse : "J'ai souvent l'impression que tout ça, c'est un malentendu en fait"
Une marque évidente d'un syndrome de l'imposteur profond qui ne dit pas son nom.
Et c'est ça qui est le plus pernicieux : on n'a souvent pas conscience qu'on souffre de ce syndrome. Quand on le vit, il nous semble logique et justifié.
Pourtant, les conséquences de ces pensées négatives peuvent avoir des effets délétères sur notre santé psychologique.
Ce phénomène a eu un regain d'intérêt ces dernières années par la communauté scientifique.
Que disent les chercheurs à son sujet ?
2) Que disent les chercheurs du syndrome de l'imposteur ?
Ce syndrome a été identifié il y a près d'un demi-siècle, par Clance & Imes en 1978, qui décrivaient ses conséquences chez les femmes, à une époque où elles étaient de plus en plus nombreuses à accéder à des postes hautement qualifiés et prestigieux.
Mais il a fallu attendre 2023 pour que Huecker, Shreffler, McKeny et Davis fassent une revue de la littérature scientifique existante sur le sujet.
Ce phénomène affecte principalement les plus talentueux et travailleurs d'entre nous, avec de nombreuses conséquences néfastes : dépression, anxiété, faible estime de soi...
Pourtant, il n'est pas considéré comme un trouble psychiatrique. Il n'est pas référencé dans le DSM-5 par exemple.
On peut le définir comme "une incapacité à s'attribuer ses réussites, ce qui entraîne un sentiment envahissant de doute, d'anxiété, de dépression et/ou de peur d'être démasqué, malgré des preuves vérifiables et objectives de sa réussite" (Bravat, Watts, Keefer et al., 2020).
Il a d'ailleurs été découvert que ce phénomène était très prévalent dans le domaine universitaire et chez les médecins (Thomas & Bigatti, 2020).
Et parmi les professionnels de santé, 25% des hommes contre 50% des femmes subissent le syndrome de l'imposteur (Villwock, Sobin, Koester & Harris, 2016).
Voyons maintenant les éléments caractéristiques de ce syndrome de l'imposteur.
3) Les 6 caractéristiques du syndrome de l'imposteur
En 2019, Mak, Kleitman & Abbott ont identifié 6 caractéristiques du syndrome de l'imposteur.
Le cycle de l'imposteur
C'est le critère principal du syndrome de l'imposteur.
Ce cycle se décompose en 6 étapes :
- Faire face à un devoir, un obstacle ou une tâche à enjeu.
- Le syndrome de l'imposteur entraîne 2 types de réponses : Sur-préparation, ou procrastination.
- Sur-préparation : sentiment que je dois travailler plus dur que les autres pour atteindre le même objectif. Et cette fausse croyance confirme bien que je suis un imposteur par rapport aux autres, pour qui c'est facile.
- Procrastination : mon rush de dernière minute prouve bien que je suis un imposteur qui se fera bientôt démasquer.
- Une fois la tâche atteinte : bref sentiment de succès, mais incapacité à se l'attribuer à soi-même.
- Ceci entraîne de la peur, de l'anxiété, et un sentiment de fraude qui se répercute sur notre comportement face à la prochaine tâche : sur-préparation ou procrastination ; et le cycle continue...
Perfectionnisme
Présenté simplement comme le "besoin d'être le meilleur" par Clance & Imes en 1978, le perfectionnisme décrit plus précisément un ensemble de comportements hyper-compétitifs qui apparaissent à la suite d'exigences et d'objectifs quasiment inatteignables imposés à soi-même.
Les conséquences de ce perfectionnisme :
- Devenir un martyre du travail (sacrifier ses intérêts personnels au profit d'une cause extérieure à soi)
- Percevoir la moindre erreur comme la preuve de son incompétence
- Se faire des feedbacks non-constructifs et être trop critique envers soi-même
Super-héroïsme
Cette caractéristique est aussi reliée au besoin d'être le meilleur.
Il s'agit d'une tendance à se sur-préparer pour être sûr de ne jamais être pris au dépourvu, et d'avoir toujours réponse aux problématiques qui surviennent.
Cette charge de travail supplémentaire entraîne bien évidemment des conséquences négatives sur sa santé mentale et même physique.
Peur de l'échec (Atychiphobie)
La peur de l'échec apparaît face à une tâche à enjeu, qu'elle soit imposée par soi-même ou par l'extérieur.
Elle se manifeste par une forte anxiété, liée à une crainte d'être humilié en cas d'échec ou de performance moindre par rapport à un pair.
Vu que, dans ce schéma, le moindre échec est perçu comme la preuve de sa propre imposture, cette crainte d'être démasqué entraîne alors cette phobie.
Déni de ses propres compétences
Cette caractéristique est liée au perfectionnisme.
Il s'agit d'une tendance à minimiser son intelligence, son expérience, ses compétences et son talent.
Elle se manifeste par un tendance à internaliser l'échec, et à attribuer sa réussite à des facteurs externes ou à la chance (le fameux "malentendu" de Blanche Gardin).
Et ce, malgré des preuves objectives du contraire.
Peur du succès (Achievemephobie)
Dans ce cas, le fait de se considérer comme la cause de ses échecs entraîne des bénéfices secondaires.
En évitant de s'attribuer ses réussites, on pense éviter certains désagréments, car réussir voudrait dire que :
- les attentes (des autres, comme de moi-même) envers moi vont augmenter
- et/ou que ma charge de travail, déjà conséquente, va augmenter
C'est une forme de mécanisme de défense.
Maintenant qu'on a identifié le problème et ses caractéristiques principales, on va maintenant se demander comment vaincre cet imposteur qui nous tracasse tant.
4) Surmonter le syndrome de l'imposteur
Il faut savoir que le syndrome de l'imposteur n'existe pas seul. Il est très souvent lié à d'autres troubles comme :
- Anxiété
- Trouble obsessionnel compulsif
- Trouble stress post-traumatique
- Dépression
- Troubles de l'humeur
- Burn-out
- Faible estime de soi
- Troubles de la personnalité
- Troubles neurodéveloppementaux (TDAH) compensés
Dans ce contexte, la gestion du syndrome de l'imposteur comporte différentes dimensions :
- Coaching/accompagnement
- Thérapie cognitive, comportementale et émotionnelle (TCC-E)
- Psychothérapie
- Traitement pharmacologique des troubles associés
- Exercices de gratitude
Le syndrome de l'imposteur est souvent vécu comme un secret à ne pas révéler. Il est donc rarement vécu comme tel par ceux qui en souffrent.
Plusieurs exercices peuvent être efficaces pour le surmonter, seul ou en groupe :
- Des sessions de groupe pour échanger avec d'autres personnes qui partagent le même "secret"
- Lister toutes les personnes qu'on juge avoir "trompées", puis imaginer leur révéler le pot-aux-roses, et enfin, imaginer leur réponse
- Tenir un journal des feedbacks positifs reçus pendant la journée
- Jeu de rôle en groupe : jouer le fait d'assumer d'être brillant, puis montrer que le groupe y réagit positivement
- Pour ceux qui ont tendance à "jouer un rôle" face à une autorité, essayer de repérer ces moments, puis encourager à prendre le risque "d'être soi-même" et de voir ce qui se passe (à bien adapter selon le contexte et les enjeux, évidemment).
- S'entourer de gens qui nous soutiennent dans cette quête d'une plus grande authenticité
Dans mes accompagnements, je travaille avec des personnes atteintes de TDAH très talentueuses et travailleuses. Pourtant, la plupart subissent de plein fouet les conséquences et les pensées négatives de leur imposteur.
Et parfois même, à l'égard de leur propre diagnostic confirmé par un professionnel de santé.
C'est pour cette raison que, depuis ce début d'année, j'ai mis en place des sessions hebdomadaires de groupe pour échanger avec d'autres personnes qui nous comprennent sur nos différents enjeux - et notamment le syndrome de l'imposteur.
Ne pas rester seul avec ses problèmes est essentiel pour pouvoir les identifier, puis les surmonter.
Conclusion
En définitive, le syndrome de l'imposteur peut toucher n'importe qui, peu importe son niveau de succès objectif.
Il peut être perçu comme de l'humilité, de la modestie ou une volonté de faire du mieux possible.
Mais il peut parfois prendre des proportions démesurées et entraîner de vraies conséquences négatives.
La voix de l'imposteur en soi n'a pas qu'une intention négative : elle veut que nous soyons à la hauteur de nos aspirations. Que nous fassions de mieux possible dans son domaine d'activité et ses occupations quotidiennes.
Personnellement, mon syndrome de l'imposteur était très fort avant mon diagnostic de TDAH. Depuis, j'ai appris à mieux le dompter, notamment en travaillant sur ma régulation émotionnelle.
Mais au début, je ressentais le syndrome de l'imposteur par rapport à mon propre diagnostic de TDAH. Je me demandais même si le fait d'avoir un traitement n'était pas de la "triche" au vu des facilités que je peux avoir en parallèle de mes difficultés.
Pour moi, le déclic a eu lieu quand j'ai réussi à faire coexister ces deux pensées contradictoires dans ma tête :
- Mon niveau de compétence peut et doit être amélioré : je dois persévérer chaque jour pour apprendre et devenir meilleur dans ce que je fais
- Mon niveau de compétence actuel est suffisant pour faire mon travail correctement, et je dois apprendre à le reconnaître et l'accepter (la mention "insuffisant" sur mes copies d'école et mes bulletins n'ont sûrement pas aidé à me sentir "suffisant" dans ma vie)
Et comme toujours, ce sont les feedbacks positifs du monde et des autres qui prouvent qu'on n'est pas un imposteur. Il faut savoir les repérer, les accepter et les savourer pour pouvoir avancer sereinement dans cette quête du mieux.
Sans que l'imposteur devienne hors de contrôle et nous tire vers le bas.