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Témoignage
Entrepreneuriat

TDAH et Entrepreneuriat : Voie Royale ?

Publié le

17/3/2024

Mickael Nardi

Cette semaine, je fête mes 28 ans. Et c'est assez étrange : je ne ressens aucune nostalgie vis-à-vis du passé, et aucune inquiétude par rapport aux années qui passent. Je me sens exactement là où je dois être, avec un optimisme total pour la suite de l'aventure.

Et le projet que je mène aujourd'hui avec mon business d'accompagnement n'y est pas pour rien.

Aujourd'hui, je vais te raconter ma rencontre avec l'entrepreneuriat, les difficultés que j'ai rencontrées, et comment j'ai réussi à les surmonter.

À la fin, je te présenterai ma vision de l'entrepreneuriat, aux antipodes de ce qu'on a l'habitude d'entendre habituellement.

Sans plus attendre, c'est parti 👇

1) Mon problème : le "tout ou rien"

J'ai toujours été quelqu'un de passionné.

Pour moi, la passion, c'est un peu être dans le "tout ou rien".

Et ça m'a joué dans tour dans plein de domaines apparemment sans lien :

  • mes premières amours
  • avec la nourriture
  • avec les substances (weed et alcool notamment)
  • avec mes études

Je suis le genre de gars qui oscille entre passion dévorante et désintérêt complet. Entre l'abus ou la prohibition :

  • À l'adolescence, soit je refusais totalement d'être en couple ; soit ma nouvelle amoureuse devenait toute ma vie
  • Jusqu'à mes 18 ans, je n'ai jamais fumé ni bu. Après, c'est devenu la fête au village
  • Avec la nourriture, j'ai souvent abusé. Et pour compenser, je pouvais m'imposer des régimes drastiques (qui ne tenaient jamais)
  • Certains jeux vidéo pouvaient prendre toute mon attention, puis je m'en détournais subitement. Idem à la découverte d'une nouvelle musique, que je pouvais écouter en boucle jusqu'au dégoût.
  • Dans mes études, j'ai changé plusieurs fois d'orientation impulsivement. Pour m'ennuyer quelques mois plus tard, quand je réalise que rien n'est simple et qu'il faut travailler

Bref, je vivais ce que le philosophe Schopenhauer appelait le drame de l'existence humaine : osciller entre désir et ennui, sans jamais en sortir.

Par étonnant que c'était mon philosophe préféré quand je l'ai découvert en terminale : ça faisait plaisir d'enfin rencontrer quelqu'un qui a compris la vie.

Résultat, dans tous ces domaines (amour, hygiène de vie, études), j'ai manqué de persévérance. Je n'ai jamais réussi à aller au bout de projets et d'idées que je savais, pourtant, bonnes pour moi.

Et le pire, c'est que j'avais désormais une raison pseudo-philosophique d'y croire et de le justifier.

Vu que mon esprit va vite dans ses analyses, j'ai vite fait le tour des choses. Et je m'en lasse.

Cet ennui entraîne la démotivation. Et un besoin de nouveauté compulsif pour trouver l'étincelle qui rallume le moteur. Car le vide me terrifie et l'inaction, pour moi, s'apparente à la mort.

Le problème, c'est que ce cycle sans fin empêche de construire quoi que ce soit de solide, de durable, de rayonnant et, pourquoi pas, de révolutionnaire.

J'avais conscience que les grands de ce monde avaient construit quelque chose. Ils avaient apporté leur pierre à l'édifice du progrès humain, et je les admirais pour cela.

Je voulais en être.

Et je savais au fond de moi que changer sans cesse de plan, c'était la recette pour me retrouver, dans quelques décennies, avec un gloubi-boulga peu appétissant en guise de vie. Avec ce goût amer de potentiel gâché et d'opportunités ratées au fond de la gorge.

Mais le paradoxe, c'est que cette vision du futur m'angoissait et me paralysait, au point de ne pas réussir à agir, travailler et me discipliner. Alors que c'étaient les conditions sine qua non d'une vie qui a du sens.

Mon problème, c'était d'être trop dans mes pensées, et de les laisser dicter mon comportement.

Attendre d'avoir tous les éléments pour prendre une décision certaine, c'est se retrouver à ne rien faire, ou pire : avoir l'impression de travailler alors qu'on ne fait que recueillir des informations inutiles.

Surprise : ça s'appelle la procrastination. Et celle-ci mène tout droit à l'anxiété et la déprime.

Ce besoin compulsif de réfléchir et remettre en question a certes des avantages.

Mais au bout d'un moment, il faut choisir, malgré l'incertitude. Il faut prendre ses responsabilités. Il faut devenir adulte. Et même si cette maturité implique des renoncements, des risques et une perte de liberté, on y gagne énormément au change.

Ce que j'y ai gagné ?

Du sens.

C'est le sens qui permet de sortir du cycle désir/ennui dans lequel le pauvre Schopenhauer s'était empêtré.

C'est le sens qui permet de travailler à quelque chose de plus grand que soi, sans s'y sacrifier totalement.

Contrairement à ce qu'en dit l'état civil français, le passage à l'âge adulte ne se fait pas à 18 ans.

Pour certains, c'est bien plus jeune. Pour d'autres, bien plus tard - ou jamais.

Moi ? C'était en plein Covid, début 2021, à l'aube de ma 25ème année.

(Je viens d'ailleurs de faire le lien avec le Covid en écrivant cette phrase. C'est fou à quel point cette période a été un chamboulement existentiel profond pour un grand nombre de personnes. Peut-être que pour vous aussi, c'était le moment de votre première vraie "prise de risque".)

C'est donc au bout d'un quart de siècle que j'ai pris la plus grande décision de ma vie.

J'allais m'engager dans une aventure entrepreneuriale. Sans trop savoir dans quoi je m'embarquais.

Ma vie est-elle devenue plus facile ? Hahaha, loin de là.

Est-ce que c'était la solution ? À un moment, j'ai bien cru que non.

Aujourd'hui, ça fait 3 ans que je vis l'aventure.

Voici ce que j'en ai appris. Et comment cette décision m'a sauvé.

2) L'entrepreneuriat m'a-t-il vraiment sauvé ?

Quand je me suis lancé dans l'entrepreneuriat début 2021, je n'y connaissais rien.

Pire, j'étais tiraillé entre la nécessité de gagner ma vie, et ma vision négative de l'argent.

Mes études de psychologie et de philosophie, et plus généralement la mentalité prédominante en France, ne m'avaient pas vraiment prédisposé à m'insérer et tirer le meilleur de la société "capitaliste" dans laquelle on vit.

J'avais quelques vagues notions de business plan et d'études de marché. Mes notions de marketing se limitaient à la série Mad Men.

C'est d'ailleurs cette série qui m'a inspiré à lancer une agence de communication digitale à la base.

Ma vision était très traditionnelle : qui dit agence dit employés, dit locaux. Voilà mes objectifs.

Mais je voulais aussi défendre des valeurs éthiques pour compenser mon conflit interne à l'idée de lancer une boîte - sachant que 5 ans de philo, avec du Marx à toutes les sauces n'aide pas.

J'étais extrêmement enthousiasmé par le projet. J'apprenais énormément. Je découvrais une facette du monde que je n'avais jamais explorée : le monde des affaires.

Vente, relation client, recrutement, management, gestion de projet...

Moi qui subissais depuis des années une paralysie décisionnelle, je me mettais à prendre des dizaines de décisions importantes par semaine.

Les idées fusaient. Et j'avais confiance dans le fait qu'elles étaient bonnes.

Pour la première fois, j'étais optimiste quant au futur, et j'avais un vrai projet qui me permettait d'avancer.

Mais vous l'imaginez bien, ça ne s'est pas passé comme prévu.

Mon offre était bancale. Mes alternants coûtaient cher. J'ai fait primer des valeurs éthiques sur la pérennité de mon business, et ça m'a coûté mon business.

J'étais désorganisé, pas focus sur les bonnes choses. Au bout d'un an, on s'est retrouvés avec une trésorerie à sec.

J'ai dû prendre une des décisions les plus difficiles de ma vie : me séparer de mon équipe. Puis liquider l'entreprise.

On a beau avoir fait 45k€ de CA en un an, quand on a 55k€ de charges à côté, ce n'est pas une victoire.

C'était un échec cuisant. J'avais beau être confiant, mon estime de moi restait fragile. Le choc était violent et m'a laissé en mille morceaux.

Je devais tout reconstruire. Moi compris.

J'étais sûr de moi. La réalité m'a prouvé l'inverse, avec toute la violence caractéristique du réel qui nous remet à notre place.

C'est là que j'ai appris à la dure une leçon qui allait me changer à jamais : je suis moins compétent que ce que je crois.

Mon ego me joue souvent des tours à ce sujet.

C'était il y a pile 2 ans. Et c'est là que j'ai découvert une nouvelle vision de l'entrepreneuriat : le soloprenariat.

3) Soloprenariat et reconstruction

Le soloprenariat est un concept théorisé par Paul Jarvis dans son livre Company of One.

Selon Jarvis, il est possible aujourd'hui de construire une entreprise rentable :

  • sans salariés
  • sans locaux
  • sans y passer 15h par jour

Il suffit de vendre de la connaissance en exploitant les leviers digitaux et en développant sa marque personnelle.

Les blessures de mon agence étaient encore vives. Je ne voulais plus entendre parler d'employés et de contraintes de ce type.

Cette nouvelle conception de l'entrepreneuriat m'aidait à panser mes plaies et penser différemment. Mais la cicatrisation allait prendre encore du temps.

Car malgré ma bonne volonté, les mois qui ont suivi ce début d'année 2022 étaient difficiles.

J'avais beau avoir plein d'idées, je ne savais pas par où commencer. Je savais l'importance de créer du contenu, mais je n'y arrivais pas. Mon esprit partait dans tous les sens. Mes émotions partaient au quart de tour.

J'ai retrouvé cette note que j'avais écrite à cette époque qui représente exactement ma journée type :

"Ce matin j'ai commencé ma journée de travail de la pire des manières : happé par de l'administratif à la con qui m'a mis de mauvaise humeur. Ma matinée a failli être gâchée mais j'ai réussi à me reconcentrer et fournir des réflexions productives sur ma stratégie Linkedin."

On notera l'oxymore "réflexions productives", comme si réfléchir suffisait pour produire quoi que ce soit.

Les mois passaient et ça n'avançait pas. Je devais me résoudre à retrouver un emploi pour m'assurer une sécurité financière et me refaire une santé.

Après quelques refus, je trouve une opportunité. Je suis viré au bout de 3 semaines. "Pas assez productif". Tant mieux, il y avait trop de tableurs Excel à remplir à mon goût.

Je trouve une autre opportunité, cette fois-ci dans la création de contenu, pour une entreprise spécialisée dans la formation au management.

Je travaille en remote, à mon rythme, sur des tâches créatives, avec un manager en or (coucou Baptiste le GOAT si tu me lis).

Mais je continue d'avoir des difficultés niveau productivité, qui m'ont menées au diag de TDAH (j'en parle ici).

Finalement, une chose est sûre : je veux monter ma propre affaire.

Les blessures de mon premier échec sont encore là. Mais je ressens ce besoin profond d'impacter le monde à ma manière.

Et c'est en 2023, il y a pile un an, que le projet Hyperfocus est né.

Aujourd'hui j'arrive à en vivre mieux que ce que n'importe quel CDI pourrait m'offrir.

Je suis chaque jour plus motivé et enthousiaste à l'idée de vivre la journée qui m'attend. De relever de nouveaux défis.

Aujourd'hui, je suis là pour en témoigner.

Mais qu'est-ce qui a changé entre ce nouveau projet entrepreneurial, et mes tentatives précédentes ?

Moi qui adore théoriser, je me suis creusé la tête.

Et j'ai identifié 4 caractéristiques d'un projet d'entreprise épanouissant pour un profil comme le mien - et, qui sait, le tien.

4) Ma vision de l'entrepreneuriat en 4 points

Pendant longtemps, j'ai cherché à résoudre ma propre énigme. Et j'ai toujours adoré aider les autres à résoudre la leur.

Aujourd'hui, j'en ai fait mon métier.

Voilà les 4 éléments qui font que mon business d'accompagnement me permet de m'épanouir pleinement.

a) Gérer plusieurs projets à court-moyen terme

Cette variété permet d'avoir de la nouveauté, de la stimulation, et de nouveaux challenges.

C'est l'idéal pour ne pas se lasser. Mes projets, ce sont les clients que j'accompagne sur 3 mois. Même si les problématiques qu'on traite ensemble sont les mêmes (l'organisation personnelle quand on a un TDAH, le lancement d'un business d'accompagnement rentable), chaque personne est profondément unique.

J'ai la chance de travailler avec des clients extraordinaires que je prends un plaisir fou à aider.

b) Avoir plusieurs typologies de tâches différentes à gérer

Quand on gère un business d'accompagnement, les tâches à gérer chaque semaine sont variées :

  • de la création de contenu, de la lecture, de l'écriture
  • échanger avec des prospects par message ou en visio
  • faire les sessions de coaching
  • améliorer ma propre organisation
  • réfléchir à ma stratégie, trouver de nouvelles idées
  • faire du réseau, rencontrer de nouvelles personnes
  • collaborer avec des freelances
  • gérer mes comptes et mes chiffres

Tout ceci permet d'avoir des routines variées qui ont du sens.

c) Vivre des émotions fortes en partageant ses créations auprès d'un public

La création de contenu est surpuissante pour ça.

Quand j'ai commencé à publier sur Linkedin en septembre, voir que mes posts marchent, que les gens commentent et résonnent avec ce que j'écris est une sensation extatique.

Et je ne parle même pas des messages privés de personnes qui nous remercient de les avoir inspirés, de les avoir aidés.

Idem avec cette newsletter et vos retours chaque semaine qui sont tellement précieux pour moi.

Ces émotions fortes sont importantes pour garder le cap et la motivation. Un projet ne se fait pas seul dans son coin : il faut l'exposer au monde.

Et seul le monde peut nous dire si on est dans la bonne voie, pas nos réflexions dans notre tête ou nos proches. Avec les réseaux sociaux, exposer nos idées à des milliers de personnes est plus accessible que jamais.

d) Être un enquêteur qui résout une énigme

C'est une partie cruciale du job. Il faut résoudre des problèmes. Se creuser la tête. Réfléchir.

Dans l'idéal, le service qu'on propose consiste à résoudre, pour les autres, un problème qu'on a réussi à résoudre pour soi-même.

En gros, il faut d'abord résoudre sa propre énigme, tester des choses, faire des erreurs de parcours.

Puis on essaie d'aider d'autres personnes dans une situation similaire, mais jamais totalement identique à la sienne. C'est là le challenge et la beauté du métier.

Et dans l'idéal, combiner tout ça à une "méta-énigme" : comprendre le sens de la vie, comprendre le fonctionnement du cerveau, comprendre les relations humaines...

Quand on coche ces 4 cases, et qu'on arrive à en vivre, bingo : on a enfin un projet qui fait sens. Qui va durer. Et qui va impacter positivement le monde, soi-même, et ses proches.

Conclusion

L'entrepreneuriat peut venir sous plein de formes. Pour savoir quelle forme nous convient, il importe de se connaître soi-même.

Entreprendre n'est qu'un prétexte pour se développer en tant que personne :

  • en apprenant
  • en aidant les autres
  • en se sentant utile
  • en créant
  • en gagnant sa vie
  • en étant libre de son temps
  • en élargissant peu à peu sa zone de confort

J'en suis arrivé à la conclusion qu'il était impossible de développer son propre business sans, d'abord, chercher à progresser soi-même.

Après des années d'errance et de doutes, j'ai enfin réussi à cocher toutes les cases en me créant un job sur mesure, qui sort des schémas classiques. Finalement, je suis toujours dans cet état d'esprit de tout ou rien. Je veux le beurre et l'argent du beurre.

Mais à un moment donné, j'ai dû me mettre au travail.

J'ai dû construire des choses concrètes au lieu de les imaginer, et c'est là que tout a changé. Que tout s'est mis en mouvement.

Mais attention : il existe toujours un risque.

Celui de devenir obnubilé par son projet et de ne penser qu'à lui.

Quand on a un profil comme le nôtre, la dopamine créée par un projet qui "marche" peut éclipser toutes les autres facettes de notre vie.

Mais l'enjeu est toujours de trouver l'équilibre :

  • un équilibre avec sa famille et ses amis
  • un équilibre avec son hygiène de vie
  • un équilibre avec des activités "non-productives

D'où l'importance d'avoir des activités qui mettent notre esprit au repos : méditation, lecture (fiction, pas business ;), puzzle, jeu vidéo...

Vouloir tout ou rien, ce n'est pas s'affranchir de toute contrainte.

C'est vouloir maximiser son bonheur et le sens de sa vie, en dépit des contraintes et des échecs.

C'est se dire que soi-même, sa famille et ses clients, c'est bien assez comme contraintes pour commencer.

C'est se dire que les échecs sont des étapes normales de l'aventure.

Est-ce qu'après être tombé, tu vas rester à terre et remettre en cause qui tu crois être ?

Ou est-ce que tu vas te relever plus fort et devenir toi-même grâce à cette blessure ?

Voilà la vraie question.

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